Les
hommes politiques fouinent parfois dans les livres et lancent des chasses aux
sorcières. Cela est récemment arrivé en France et en Italie. Au même moment,
mais pas avec les même dynamiques.
En France
"Quand j'ai vu ça,
mon sang n'a fait qu'un tour."
Depuis le dimanche 9 février, l’invective
lancée par Jean-François Copé, président de l’UMP, contre le livre Tous à poil ! (Rouergue, 2011) a
fait le tour des medias et des réseaux sociaux. Pour un petit résumé de la
polémique, ICI.
Nombreuses ont été les réactions :
- d’un des auteurs - Claire Franek et Marc Daniau (ICI) ;
- de Sylvie Vassallo, directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse en
Seine-Saint-Denis (ICI) ;
- de l’association
Charte des auteurs et des illustrateurs
jeunesse (ICI).
Et si
le résultat de cette polémique était l’augmentation des ventes de ce titre,
paru il y a désormais trois ans ? C’est d’ores et déjà le cas (ICI).
En Italie
Abordons le sujet en traduisant le début
d’une lettre envoyée par deux libraires à d’autres figures professionnelles qui
gravitent autour du livre jeunesse.
Bonjour à tous,
Nous sommes Nicola Fuochi et Vera Bellotto de la librairie
« Il libro con gli stivali » à Mestre (près de Venise).
Nous avons décidé d’écrire et d’adresser ce mail à
des éditeurs, des auteurs, des libraires et des professeurs pour dénoncer un
épisode qui nécessite la mobilisation de tous ceux qui croient en la lecture et
l’école comme valeurs pour l’individu et la société.
[…]
La mairie de Venise nous a contacté en novembre
2013 pour nous demander un devis pour l’achat d’un certain nombre de livres. La
liste a été rédigée dans le cadre d’un projet appelé « Lire au-delà des
stéréotypes ».
Ainsi a commencé
l’affaire qui enflamme aujourd’hui les débats. Camilla Seibezzi, déléguée aux droits
civils et aux politiques anti-discriminations de la mairie de Venise, est la promotrice
d’un projet qui prévoit l’achat de livres pour 10 crèches et 36 écoles
primaires de la ville. Mais la démarche ne semble pas être appréciée, car les
réactions négatives ne tardent pas à arriver. En première ligne, Tiziana
Agostini, conseillère municipale. « Les plus petits ne doivent pas être utilisés
comme drapeaux politiques » a-t-elle déclaré. « Il faut tenir compte
de différentes sensibilités dans notre société ». Vu qu’il s’agit d’une
liste conçue pour lutter contre le racisme et la discrimination sexuelle, on
peut y trouver des livres comme Il grande
grosso libro delle famiglie (Lo Stampatello), qui décrit les différentes formes
de famille possibles, Piccolo uovo (Lo
Stampatello), illustré par Altan, à propos de la procréation médicalement
assistée, ou encore E con Tango siamo in
tre (Edizioni Junior), où deux pingouins mâles s’occupent d’un œuf. Mais la
polémique a été reprise par différents journaux dans des articles aux tons bien
différents.
Quelques titres :
- La mairie de
Venise distribue des fables gays dans les crèches et les écoles ;
- Fables gays
dans les crèches de Venise : polémique à la mairie ;
Mais revenons à
la liste de livres incriminés.
« Nous
pourrions faire de l’ironie facile » disent les libraires spécialisés
Nicola Fuochi e Vera Bellotto. « Citer, parmi les autres, Piccolo blu e Piccolo giallo de Leo
Lionni et affirmer qu’il s’agit d’une histoire gay ! Mais cela ne nous
intéresse pas de jeter de l’huile sur le feu. Quand nous avons reçu la liste
pour procéder à l’achat des livres, nous avons eu l’impression d’avoir entre
les mains un travail tout à fait équilibré, avec des titres qui traitent les
différents sujets avec délicatesse et élégance. Nous avons aujourd’hui l’impression
que toutes les déclarations se basent sur une ignorance du contenu des textes
et des albums cités ».
On ajoute
quelques autres titres incriminés qui figurent sur la liste pour les crèches :
- Leo Lionni,
Piccolo blu e piccolo giallo, Babalibri
- Leo Lionni,
Guizzino, Babalibri
- Katrin Stangl,
Forte come un orso, Topipittori
- Ophelie
Texier, Jean a deux mamans, Ecole de Loisirs
- Mario Ramos,
Sono io il più bello, Babalibri
- Eric Battut,
Rosso micione, Bohem Press
- Armelle
Modéré, Didier Dufresne, Il sonnellino, Lapis