Auteur
prolifique et passionné, fou amoureux des mots, il a été libraire avant de se
consacrer corps et âme à sa passion : l’écriture. Son nouveau roman, Ma tempête de neige, vient de paraître
chez Actes sud Junior. Nous rencontrons aujourd’hui Thomas Scotto.
ICI pour sa
biographie et sa bibliographie complètes.
Comment est née l’idée de ce livre ? Pourquoi
avoir choisi ce thème ?
Ce texte fait partie de la collection « d’une seule voix » chez
Actes sud Junior. Une collection à la forme imposée, celle de monologues
intérieurs d’adolescents à lire à haute voix et qui compte déjà plusieurs
titres d’auteurs que j’affectionne : Cathy Ytak, Gilles Abier,
Jean-Philippe Blondel… Depuis le tout
premier texte paru en 2007, l’impressionnant Quand les trains passent de
Malin Lindroth, le ton était
donné. J’avais sous les yeux de la grande littérature. Et cela me travaille
depuis cette lecture-là…écrire un « d’une seule voix » ! Cette collection est un magnifique terrain de
recherche. C’était un défi aussi car je n’ai pas beaucoup écrit pour ces
âges-là. (Juste un recueil de nouvelles, Mi-ange, mi-démon, chez Thierry
Magnier). Je voulais quelque chose qui ne soit pas anodin mais pas plombé non
plus. Un texte de douceur qui pose questions mais dont la thématique soit pleinement
assumée. L’idée ce cette
naissance attendue est venue alors très naturellement…
Quel poids a joué votre paternité pendant
l’écriture ?
Un poids gigantesque…ce serait idiot de le nier ! Je suis partout
entre ces lignes… Et même s’il n’en reste pas moins une fiction, j’ai imaginé
ce texte comme une déclaration d’amour paternelle. J’ai aimé follement être un
futur papa. Jeune aussi : 21 ans… Dans les doutes, les peurs et les
étonnements partagés avec une future maman que je ne remercierais jamais assez !
Pendant l’écriture, il a fallut donc verbaliser des sentiments vécus pleinement
sur le moment, vécus peut-être parfois dans une certaine insouciance. Dans une
première version, c’était justement cette jeune maman qui parlait. Cathy Ytak,
a qui je l’avais fait lire, m’a laissé entendre que je me trompais de voix…elle
avait raison. C’était bien celle du père que je voulais donner. Moins attendue
et tout aussi impatiente, entière. Dix huit ans et quinze ans après, je suis
dans ce même émerveillement de père ! C’est beaucoup de chance tout cela.
C’est une grande partie de ma construction personnelle.

Votre profession vous amène à rencontrer souvent
les adolescents. Quel regard portez-vous sur cette génération ?
Elle me questionne autant qu’elle m’épate. Peut-être que les adolescents
que je croise aujourd’hui, ne ressemblent pas à celui que j’étais… Et pourtant,
j’ai vraiment la sensation de quelque chose d’intimement universel. Ils sont
capables, dans la même heure de rencontre, d’être des murs de pierre, des
bâtons de dynamites sur le point d’exploser, des bulldozers qui veulent
terrasser leur propre monde, des oreilles avides et des yeux sensibles, des
avis précis sur ce qu’on leur a fait lire. Ils disent souvent, entre les
lignes, « regardez-moi », « écoutez-moi »,
« aimez-moi ». S’il y a bien un endroit où on ne peut pas
tricher…c’est devant un adolescent !
Votre bibliographie compte déjà plusieurs titres.
Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru jusqu’à présent ?
Mon premier livre est paru il y a 16 ans chez le même éditeur que ce
dernier. Et les titres qui ont suivit sont, je crois, assez différents les uns
des autres. En âges concernés, en genres et en formes… J’aime cette idée du
« chemin parcouru », parce que je suis toujours en recherche. On peut imaginer savoir écrire de mieux
en mieux en vieillissant de plus en plus, et puis ce n’est pas si vrai que
ça ! Je veux pouvoir me retourner un jour et me dire : Tous ces mots
dans tous les sens ? Mais c’est tout logique, au fond. Je suis bien tout cela !
Drôle et grave, bon et moins bon. J’ai eu le même plaisir à écrire chacune des
histoires. Et c’est ce qui me rend triste en ce moment…voir disparaître, pour
des raisons plus économiques que sensibles, des textes qui sont « mes
passeports ». C’est devenu mon cheval de bataille…que ces textes là ne
meurent pas !
Pourquoi êtes-vous devenu écrivain pour la
jeunesse ?
Je voulais être pâtissier…puis comédien de théâtre…alors pourquoi
oui… ?! Parce que grand lecteur de livres pour la jeunesse écrits par de
grands auteurs (Tomi Ungerer, Roald Dahl). Enfant, je n’ai pas manqué de livre
ni de chansons. J’avance, ici encore, Anne Sylvestre…tellement
fondatrice ! Et, devenu jeune adulte écrivant, je crois que je ne me suis
même pas posé la question du destinataire. C’est arrivé aussi simplement que
ça.
Après ma première publication, j’ai rapidement croisé Jo Hoestlandt, Nadine
Brun-Cosme, Christophe Honoré, Olivier Mau, Hector Hugo…des auteurs
parfaitement humains et audacieux. Les belles personnes au bon moment.
Vers quelles dimensions de l’imaginaire ou de la
réalité voudriez-vous tourner le regard maintenant ?
Imaginaire ou réalité, je n’ai pas de préférence.
Je veux continuer à me surprendre, surtout. C’est très égoïste mais je suis
le premier à ne pas vouloir me décevoir !
Cela peut prendre toutes les formes possibles : bande dessinée,
chansons, d’autres textes d’albums j’espère ou de petits romans… Peut-être
aller un peu plus encore vers l’écriture dite « adolescente » dont la
frontière avec celle adulte est parfaitement poreuse.
Avec quel illustrateur auriez-vous envie de
collaborer ? Pourquoi ?
J’ai la chance d’en rencontrer beaucoup. Dans les livres et en vrai. J’ai
eu la chance d’être illustré par certains que j’aime : Elodie Nouhen,
Olivier Tallec, Eric Battut, Ingrid Monchy, Benjamin Adam… Je suis quelqu’un de
curieux dans ce domaine de l’image alors les envies futures ne manquent
pas ! Avec des confirmés et des nouveaux… beaucoup de projets en duo
dorment d’ailleurs, parce que refusés. Il y en a quand même un que je tente de
séduire depuis des années lumière… !
Alfred.
Du talent sensible et un trait qui ne tombe jamais dans la facilité. Il
vient d’obtenir le prix d’Angoulême pour son Come Prima aux éditions
Delcourt. Ça risque de ne pas être encore pour tout de suite cette
affaire !
Quel était votre livre préféré quand vous étiez
enfant ?
Mon premier grand souvenir…Jean de la lune de Tomi Ungerer.
Quelles sont vos sources d’inspirations,
littéraires ou autres ?
La vie de tous les jours et les grandes
émotions qui nous traversent. La famille aussi ! Les rapports ténus des
uns avec les autres, tous sexes confondus. Tout ce qui fait qu’on se couche le
soir un peu plus différent du matin. Plus grand ou plus en colère. Plus poète
et plus aventurier. Nos voyages très intérieurs… Et les grandes questions des
enfants qui sont parfois les mêmes que l’on se pose adulte.
Pourriez-vous nous décrire votre journée type ?
Il n’y en a pas ! Je ne suis pas 24h sur 24 entrain d’écrire et
pourtant j’écris toujours. Je ne suis pas hors la vie, ce qui fais que je
compose avec elle pour laisser cette place à l’écriture. Et je vais beaucoup à
la rencontre des enfants, des ados. Grâce aux enseignants, aux bibliothécaires,
aux organisateurs de salons du livre, aux documentalistes…
Sans tous ces médiateurs, je crois sincèrement que mes livres ne seraient
jamais vus ni lus. Mes journées sont donc très nomades avec comme fil
conducteur, l’écriture.
A quel projet travaillez-vous en ce moment ?
J’aimerais me replonger dans le projet presque terminé d’un roman pour la
collection « Photoroman » chez Thierry Magnier. La série de clichés
d’un photographe est donnée à un auteur pour nourrir une histoire. Il
s’intitule Chaque pas que je fais. C’est une phrase extraite d’une
chanson de Pierre Lapointe dont les textes sont, là encore, de la littérature
totalement renversante ! S’il est accepté, j’aurais l’impression d’avoir
encore franchi une petite montagne…
Pourriez-vous choisir un passage dans un de vos
livres et l’analyser ?
« (Entre le 20 et le 21 juillet, pile.)
C’est une nuit vraiment pas juste !
Je suis pourtant assise tout au bord de la chaise
mais mes pieds ne touchent même pas jusqu’à la
planète terre.
J’étire, j’étire encore le bout de mes chaussures,
mais rien.
Je suis la plus petite des petites, voilà !
Je m’étire…je fais ça depuis des minutes entières
pour passer le temps,
des années lumière même…
Ça, en plus d’être impatiente que tu atterrisses
bientôt. »
Un bond de géant. Editions Kilowatt, Illustrations de Barroux. (mars 2014)
Plus qu’une analyse…une question :
Ce prochain album parle encore d’une naissance,
le soir du premier pas sur la lune…
C’est grave docteur ?!